Depuis Genève, Mara est de ces artistes qui se moquent ouvertement des frontières musicales, trop curieuse, trop assoiffée de sons pour se contenter d’un seul genre, adhérer à une unique esthétique. À l’adolescence, déjà, la Suissesse est de tous les concerts. Elle veut apprendre, comprendre, trouver de la matière afin de nourrir ses premiers mix et, peu à peu, composer ses propres morceaux, « très orientés club ». Il faut dire que Mara a été biberonnée au dancehall, au hip-hop et à toutes ces musiques caribéennes qui finissent par singulariser ses DJ sets, pensés selon une même idée : mettre les hanches en ébullition. « Au départ, j’en profitais pour glisser quelques-uns de mes morceaux sans dire que j’en étais l’auteure, juste pour voir comment les gens réagissaient. En voyant le public s’amuser sur mes chansons, j’ai compris que je n’étais plus seule, que d’autres personnes que moi pouvait apprécier ma musique. »
Depuis 2017, Mara a ainsi empilé les lignes sur le C.V. : il y a eu ces DJ sets donnés dans toute la francophonie (Bruxelles, Marseille, Genève, Paris), cette résidence chez Mouv’ où, pendant quatre ans, elle mixe chaque semaine une heure de musiques caribéennes et afro, ainsi que ces rencontres déterminantes avec différents producteurs, dont King Doudou (PNL, J Balvin, Lazuli). Toutes ces expériences sont salvatrices : elles donnent suffisamment confiance à Mara pour opérer en totale indépendance (de la création de son label au graphisme), l’encouragent à créer sans se soucier des catégories bien définies, et l’incitent à assumer ses propres choix. À commencer par cette recherche perpétuelle de l’efficacité : « Je sais que j’ai besoin de privilégier la spontanéité, de faire confiance à la simplicité et à l’immédiateté d’une production, d’un son ou d’un texte, raconte-t-elle la voix remplie de certitudes. Après tout, en soirée, tout le monde veut aller à l’essentiel, danser sur des gimmicks entêtants. »
Le succès de Mara dépasse pourtant rapidement le cercle des clubs et des noctambules, et se propage jusque sur Internet où « Foufoune » cumule plus d’un million de vues, incitant au passage Angèle à reprendre cette ode au cunnilingus, tandis que « Point cue » termine en tendance sur TikTok. Parce que les toplines sont accrocheuses. Parce que ces singles sont dotés d’un évident sens de l’humour. Et parce qu’ils n’ont finalement d’autres objectifs que de mettre le feu sous les t-shirts. « Je nourris une véritable obsession pour les rythmiques dansantes, joyeuses, sexy, qui facilitent la drague et donnent le sourire. Forcément, cela se ressent dans mes morceaux, toujours très sensuels. »
Sur son premier album, celle qui se dit autant fan de Rihanna et Missy Elliott que de Led Zeppelin et Drake poursuit la même ambition : resserré autour de treize morceaux extatiques, porté par des tubes en puissance (« La revanche », « Puta de vida »), Lovéland a été pensé comme un grand écart entre des sonorités métissées et une énergie hip-hop, entre des refrains ensoleillés et des mélodies qui invitent au rapprochement des corps. Avec, en fil rouge, cette volonté de tendre systématiquement vers des mélodies enthousiastes, de tout contrôler et de prouver que, derrière cette supposée simplicité, se cache en réalité l’assurance d’une artiste réfléchie, sûre de ses forces et déterminée à faire de ses morceaux la source de plaisirs inconnus.